A l'Est du Congo

Lieve Joris est Belge. Quand elle est partie il y a plus de vingt ans au Congo, ex Zaïre, c’était pour retrouver un peu de son histoire en suivant les traces d’un oncle missionnaire. Elle s’est passionnée pour ce pays même lorsqu’il a plongé dans le chaos après le règne de Mobutu et le conflit sanglant dans l’est.

Et elle est allée jusqu’au bout de sa quête en traversant la région des hauts plateaux, près du Rwanda. « Les Hauts plateaux », c’est justement le titre de son dernier livre paru chez Actes Sud.

Munie d’un visa congolais, Lieve Joris a quand même dû arracher l’autorisation d’un chef rebelle pour se rendre dans la région. Cela ne s’est pas fait tout seul. Elle a d’abord été renvoyée parce qu’elle avait osé discuter du choix d’un guide. Et puis, en Afrique tout s’arrange.

Il lui a fallu ensuite s’inventer des enfants. Parce que dans cette région, si les vaches mettent bas, les femmes aussi. Une femme, blanche de surcroit, qui n’a pas d’enfant ne peut pas être prise au sérieux. Sa parole n’a aucune valeur. Lieve Joris s’attribue donc les deux enfants de sa sœur pour donner le change.

Pendant sept semaines, la voyageuse va de village en village en marchant. Elle croise les Maye Maye, ces gamins à moitié défoncés par la drogue ou la faim et qui prétendent faire la loi avec leurs kalachnikovs sur les cent cinquante mètres carrés de leur territoire.

C’est parfois très tendu. Mais Lieve Joris est motivée pour passer les obstacles : elle veut retrouver ce qu’un jeune homme avait découvert quelques années auparavant et lui avait confié comme un secret…

« Au loin, il a vu une chose qu’il ne connaissait pas… et comme il était un garçon intelligent, après quelques temps, il s’est dit : « ça doit être de l’eau ». Il a demandé à sa maman : « ça, c’est une rivière ? » La maman a dit : « oui, c’est une grande rivière ». Il dit : « Mais on dirait qu’il y a des petits moutons qui roulent dedans. Ils sont bleus, ils sont bruns, ils sont blancs. C’est quoi ça ? » Elle dit : « Non, ça c’est pas des moutons. Demain matin, je vais te montrer. » C’était le lac Tanganyika. Et en fait, quand il m’a raconté cette histoire, j’ai dit : « je vais aller là-bas ». Moi aussi je veux voir ces moutons qui roulent dans l’eau ! »

Et ces moutons qui roulent dans l’eau, ce sera sans doute le point final de ce long voyage que Lieve Joris a entamé il y a plus de vingt ans. L’Afrique change trop, c’est parfois difficile à suivre.

Les Hauts Plateaux par Lieve Joris

Les Hauts Plateaux par Lieve Joris

Femmes africaines au cœur du festival

Les femmes africaines sont les vedettes de la nouvelle édition du Festival Tambour battant qui se tiendra à Genève du 26 au 30 novembre. Elles occuperont le devant de la scène avec des musiciennes confirmées venues de Guinée, de Madagascar, de Côte d’Ivoire, comme les mythiques Amazones ou la troublante Dobet Gnahoré. Et on ne verra qu’elles trois jours durant sur grand écran, où elles monopoliseront l’attention des cinéphiles.

A l’occasion de l’entrée d’une programmation cinéma dans ce festival traditionnellement dédié à la musique, les organisateurs innovent. Ils ont ainsi demandé à un jeune étudiant camerounais de la Haute Ecole d’art et de design de Genève de réaliser un court-métrage sur des femmes africaines établies au bout du lac Léman. Un lac qui, si l’on en croit une femme du Burundi filmée dans ce documentaire, présente quelques similitudes avec le lac Tanganyika…

Paulin Tadadjeu Dadjeu s’est donc mis à la recherche de ces migrantes pour réaliser Un regard sur la femme africaine, sa place dans la cité, ici et là-bas. Un documentaire de 45 minutes qui donne la parole à sept personnes. Face à la caméra, et dans leur intérieur riche en souvenirs de leur pays d’origine, elles témoignent en toute simplicité de leur condition d’Africaine dans une ville internationale, certes, mais où il n’est pas toujours simple de trouver des repères.

«Il y avait un risque de ne présenter qu’une élite de femmes qui s’étaient bien intégrées parce qu’elles avaient de la culture, ou parce qu’elles gravitaient dans des milieux internationaux» relève Paulin Tadadjeu Dadjeu. «Or, ce n’est pas ça, la réussite! La coiffeuse, elle aussi, est parvenue à bien vivre à Genève, comme la collégienne ou l’infirmière.»

A tour de rôle, ces dames content leurs premiers jours en Suisse, le froid ambiant, et pas seulement celui de l’hiver, leurs engagements dans diverses associations. Elles évoquent leurs deux patries et parfois, aussi, leur envie de retour en Afrique.

Festival Tambour battant, du 26 au 30 novembre au Théâtre de l’Alhambra, projection du court-métrage samedi à 14h au CAC Voltaire, suivi d’un débat et de témoignages. Tout le programme du Festival sur Tambourbattant.org